mardi 17 août 2010

10 bonnes façons de provoquer un météorologiste.

La météo est une science qui a à la fois la chance et le malheur d'être très populaire.

La population s'y intéresse constamment et régulièrement, ce qui n'est surement pas le cas pour beaucoup d'autres domaines (par exemple, on parle bien moins souvent de la spectroscopie de masses), ce qui peut d'ailleurs donner une certaine fierté au météorologiste, qui a le privilège d'avoir un public immense, confortant ainsi son sentiment d'être "utile". Mais à chaque avantage ses défauts : le météorologiste est par conséquent jugé en permanence. La prévision du temps se fait en continu, et il s'agit donc en quelque sorte de faire une à plusieurs expériences scientifiques par jour, mais avec des millions de personnes qui sont présents pour critiquer à chaque fois les résultats. Et à l'époque où l'on ne jure plus que par les sciences et la pointe de la technologie, les membres de ce vaste jury sont impitoyables, convaincus de tout savoir.

Ce n'est pas un coup de gueule contre le grand public, qui critique à profusion tous les moindres aléas de la prévision météorologique. Il est dans son bon droit, et heureusement même qu'il peut exprimer son avis, on ne peut pas lui reprocher! La météo fait d'autant plus un très bon bouc émissaire pour soulager les inconvénients et humeurs variées du quotidien, et le météorologiste doit simplement composer avec son public.
Néanmoins, certaines réflexions reviennent plus souvent que d'autres, qui ont, à la longue, le don de titiller la conscience du météorologiste, et peuvent même devenir agaçantes...

Voici donc un petit florilège de remarques que vous pouvez utiliser si vous souhaitez embraser l'étincelle de passion qui nourrit le météorologiste =)!



1/ De toute façon maintenant y a pu de saisons.

Sur le calendrier, il y a des dates très précises qui déterminent les limites de l'hiver, du printemps, de l'été et de l'automne...
Ces limites ont été fixées dans un but purement technique et pratique et qui ne reflète pas vraiment la réalité. Rien n'a changé : on a toujours très clairement 4 saisons qui se définissent très bien sous nos latitudes.
Mais en météorologie, ce ne sont pas les dates qui définissent les saisons mais les observations et les relevés des différents paramètres. Et de ce côté, aucun doute : on constate bien un hiver avec des températures basses, un été avec des températures hautes, et deux périodes de transition clairement marquées par leur caractère instable. Au jour le jour, on aura l'impression d'avoir un "coup d'été" ou un "coup d'hiver". Le printemps et l'automne se caractérisent typiquement par l'alternance de ces situations, et jamais on observera une transition continue et progressive de l'été vers l'hiver (et inversement).


2/ Tout ça c'est à cause du réchauffement climatique.

Le réchauffement climatique est un fait, dont quelques signes se révèlent déjà. Mais par définition, quand on parle de climat, on parle de grandes échelles de temps. On ne peut donc clairement pas dire si telle tempête, telle canicule, telle vague de froid est due au changement climatique. Son influence n'est (ne sera) vraiment mesurable que sur une moyenne de plusieurs années. Sans changement climatique, les phénomènes météorologiques sont déjà très variables. D'ailleurs, on ne constate pas encore d'augmentation de la force moyenne des tempêtes qui touchent l'Europe sur les dernières années.


3/ Ah, c'est le début de 2012...

Ca rejoint cette idée de catastrophisme grandissant laissant croire que les catastrophes naturelles sont plus intenses et plus nombreuses, et que ça va finir en "grand boom". On n'observe pas encore d'augmentation significative du nombre de catastrophes et de leurs intensités.


4/ Confondre cyclone et tornade.

Ces deux phénomènes n'ont strictement rien en commun, hormis le fait qu'ils peuvent produire des vents violents.
Le cyclone est un système nuageux qui se développe autour d'une dépression très creuse (càd avec une pression atmosphérique très faible en son centre), au-dessus d'un océan. Il fait aisément plusieurs centaines de kilomètre de diamètre, peut durer des semaines et se déplacer sur des milliers de kilomètres. On peut d'ailleurs facilement l'observer par satellite.



La tornade est un phénomène extrêmement local. Elle se développe généralement sous un orage. Il s'agit d'un long entonnoir qui s'établit entre le nuage et le sol où circule de l'air en rotation. Elle ne dure au plus longtemps que quelques heures et a un diamètre beaucoup plus réduit (du mètre aux centaines de mètres).

 Tornade à Demigny le 10/06/2010 - crédit photo : Cédric REYNES (voir le dossier sur Keraunos)

C'est d'autant plus agaçant quand les médias eux-même font souvent la confusion et mettent une image de cyclone en parlant de tornade, et vis-versa.


5/ Ils ont déjà du mal à prévoir le temps à 7 jours, et ils osent en faire sur plusieurs siècles!

La prévision météorologique et la prévision climatique n'ont pas la même échelle, et ça change tout. En météo, on cherchera par exemple à connaitre l'intensité de la prochaine dépression qui abordera la France d'ici quelques jours. En climato, on cherchera à connaitre la moyenne générale de l'intensité des dépressions sur 100 ans.
Ainsi, la prévision climatique s'affranchit de nombreux détails et problèmes complexes spécifiques à la météo. En effet, on ne cherche pas à savoir à quel jour et à quel endroit à 100km près une tempête va se développer d'ici 2000 ans. La précision est moindre, mais largement suffisante pour une prévision climatique. Une prévision météorologique prend en compte beaucoup plus de détails mais devient vite impossible sur des périodes plus longues (plus de 15 jours).


6/ Plus on va vers le Sud et plus il fait chaud : En Australie c'est torride.

Plus on va vers le Sud, plus il fait chaud en moyenne... Jusqu'à l'équateur. Mais après ça s'inverse! La météorologie à l'échelle du globe présente une symétrie par rapport à l'équateur. Ainsi, dans l'hémisphère sud, plus on va vers le Sud, plus il fait froid. Néanmoins, l'hémisphère sud a la particularité d'être essentiellement constitué d'océans, la majorité des terres se trouvant dans l'hémisphère nord, ce pourquoi on trouve moins d'endroits "peuplés" avec un climat similaire à celui qu'on a dans nos latitudes, et peut ainsi donner l'impression que l'hémisphère sud est plus chaud.

Température moyenne annuelle à la surface de la planète


7/ Il fait super froid, on va surement avoir de la neige, voire même de la grêle!

Tout comme la tornade et le cyclone, la neige et la grêle sont deux phénomènes complètements différents.
La neige se produit lorsque des précipitations classiques ont lieu dans de l'air froid, proche de 0°C ou moins en surface. Les particules d'eau qui constituent le nuage se cristalisent autour d'une particule (un aérosol) et créent un flocon qui tombe lentement vers le sol, sans être retenu par des courants d'air ascendant.
La grêle se produit dans des nuages convectifs, le plus souvent des cumulonimbus, nuages d'orages. Ceux-ci se développent lorsque l'atmosphère est instable, ce qui est beaucoup plus fréquent en été. L'air chaud de surface s'élève jusqu'au sommet de la troposphère (environ 10km), où la température tourne autour de -56°C. Pendant son ascension, l'eau se condense puis gèle dès qu'elle rencontre un aérosol, sous forme de cristaux de glace. En redescendant, les particules d'eau que le petit flocon va rencontrer vont venir s'y ajouter en gelant instantanément à sa surface. Avec des courants d'air beaucoup plus virulents fréquents dans les cumulonimbus, la glace accumulée peut fondre, regeler, et ainsi s'accumuler sous une forme compacte.


Le grêlon ne tombera que lorsqu'il sera trop lourd pour être soutenu par les courants d'air. Ce pourquoi la taille des grêlons dépend de l'organisation interne du nuage.


8/ Ils ont tout faux, ils avaient prévu des averses locales et il a fait super beau.

Une averse est une "chute de météores (pluie, grêle, neige, ...)", courte, mais qui peut être forte. Elle se crée généralement grâce à un nuage convectif (cumulonimbus). Il est courant en France que des régimes d'averses concernent de larges parties de la France. Mais comme l'averse ne fait que quelques kilomètres de diamètre, toute la zone en régime d'averses, où une centaine d'averses distinctes peuvent circuler, n'aura pas forcément de la pluie. Quelques chanceux réussiront à passer entre les mailles du filet. Et généralement, aucun nuage ne vient encombrer le ciel entre 2 averses, ce qui donne l'impression de beau temps. Il peut pourtant très bien pleuvoir des cordes à quelques kilomètres!

Radar de précipitations du 28/04/09 - Régime d'averses fréquentes sur une large partie de la France.

Ainsi, sur une échelle extrêmement petite des quelques kilomètres qui vous entourent, la prévision peut ne pas correspondre, mais elle devient tout à fait correcte en considérant une échelle plus grande (disons 100km).


9/ C'est quand même dingue, on est au 21ème siècle et ils sont pas capables de faire des prévisions correctes!

La météorologie a fait de grands progrès ces dernières années, poussée par sa nécessité absolue en aéronautique, puis par les avancées informatiques. Plusieurs supercalculateurs tournent sans cesse pour faire des centaines de modélisation de l'atmosphère dans les prochains jours. Mais ces modélisations ne donnent jamais la vérité absolue. L'atmosphère est un "système chaotique", c'est-à-dire qu'elle es très sensible aux conditions initiales. Une différence infime observée au départ peut avoir des conséquences complètement différentes à plusieurs jours. Et quelque soit le matériel utilisé, cette caractéristique d'un système chaotique sera toujours vraie.

 Evolution typique d'un paramètre dans un système chaotique : bien que les courbes bleues et rouges soient presque identiques au début, elles deviennent totalement différentes par la suite.

Ainsi, avec la meilleure technologie du monde, on ne pourra jamais faire de prévision avec une certitude absolue.


10/ La météorologie n'est pas une science exacte.

C'est complètement faux. Une science exacte se caractérise par ses processus, et fort heureusement, jamais elle ne se caractérise par la qualité de ses résultats.
Et de ce côté là, la météorologie est une science clairement exacte. Les procédés et systèmes utilisés sont nettement définis, pointus, complexes et répondent à des lois physiques et mathématiques strictes.

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