Ce n'est que le vendredi 2 juillet qu'une véritable dynamique instable se met en place sur le pays. Une vaste dépression centrée au nord de l'Atlantique étend un thalweg (un "bras", une "extension" de dépression) vers le sud, qui aborde la France en milieu de journée. Ce thalweg renforce alors le flux de Sud-Sud-Ouest et assure une alimentation d'air particulièrement chaud et humide. A 15h33, il faisait 35°C sur toute l'Ile-de-France.
Températures observées le 02/07/10 à 15h33
L'approche de cette zone dépressionnaire associée à un front froid peu mobile qui arrive sur la Bretagne rend l'atmosphère extrêmement instable. Le radiosondage (technique de mesure de données physiques sur toute la hauteur de l'atmosphère) de Trappes le 02 juillet à 12h met en évidence une Energie Potentielle de Convection Disponible (EPCD, ou CAPE en anglais) proche de 4000 J/kg, ce qui est énorme (un orage risque déjà d'être violent vers 3000 J/kg). Cette énergie, comme l'indique son nom, est la véritable "nourriture" d'un orage, c'est là d'où il puise toute sa force.
Radiosondage de Trappes le vendredi 02/07/10 à 12h
Ce qui est intéressant ici, c'est l'écart entre la température (courbe rouge) et le trajet d'une parcelle d'air en surface qui s'élève (courbe en tirets violets-roses). Il y a beaucoup de choses à expliquer sur ce graphique (qu'on appelle un émagramme), je me contenterai donc juste de vous dire que tant que le courbe tiretée violette est à droite de la courbe de température en rouge, l'air s'élève et est donc instable. Plus l'écart entre la courbe de température rouge et la courbe de trajectoire d'une parcelle d'air en tirets violets est grand, plus l'air s'élève rapidement et plus l'instabilité est grande.
Avec l'avancée du thalweg sur la France, de l'air s'accumule dans le flux à l'avant du thalweg. Autrement dit, une ligne de convergence se constitue. Celle-ci incite les orages à se développer, c'est en quelque sorte l'étincelle qui met le feu à la poudre.
Dès le début d'après-midi, des orages éclatent sur cette ligne qui s'étend du massif central au Nord.
Impacts de foudre relevés par le réseau ZEUS le 02/07/10 entre 17h15 et plus de 3h avant (l'échelle à droite indique les minutes depuis lesquelles l'impact a eu lieu).
D'autres orages éclatent aussi sur les reliefs (Pyrénées et Alpes), ainsi que sur la façade Atlantique.
Revenons plus particulièrement sur ce qui s'est passé sur l'Ile-de-France.
A 15h15, on distingue déjà 2 orages multicellulaires, l'un dans l'Oise et l'autre qui aborde le Sud-Ouest des Yvelines, déjà bien actif et qui présente de fortes réflectivités radars, laissant présager des précipitations intenses ou de la grêle.
Radar de précipitations sur l'IdF et le Nord du 02/07/10 à 15h15.
Rapidement, les orages du Sud-Ouest des Yvelines dégénèrent et se développent rapidement. A 16h, d'intenses précipitations touchent tout l'Ouest de l'Ile-de-France.
Radar de précipitations sur l'IdF et le Nord du 02/07/10 à 16h00.
C'est à ce moment que se produit une pluie diluvienne mêlée de grêlons d'1 à 2cm de diamètre et de fortes rafales de vent sur Mantes-la-Jolie. En quelques minutes, les rues deviennent des torrents.
Lors de précipitations très intenses comme ici, le réseau d'évacuation des eaux devient très vite saturé : le débit d'absorption des égouts et canalisations est inférieur au débit d'eau qui se déverse sur la surface. Dès lors, le surplus d'eau ruisselle en surface : c'est ce qui produit des crues éclaires, des inondations brèves et locales lors de précipitations très intenses et concentrées.
Très vite, ces orages intenses deviennent un MCS, Meso-Scale Convective System, ou Système Convectif de Moyenne échelle. Un MCS est un système orageux organisé issu de la fusion de plusieurs orages et s'étend sur une grande surface.
Ce MCS circule de l'Ile-de-France jusqu'au Nord-Pas-de-Calais en soirée. Il génère des phénomènes violents à son passage, notamment une microrafale jusqu'à 130 km/h dans l'Oise et des rafales proches de 100 km/h dans les Yvelines. De fortes intensités de précipitation et de grêle sont reportées.
En début de nuit, un autre MCS a circulé du Gers vers le Lot puis le Limousin, considéré comme violent. Il génère des pluies diluviennes, et une macrorafale qui a provoqué de lourds dégâts, avec des vents probablement supérieurs à 140 km/h.
Des orages peu mobiles ont provoqué des inondations en Pyrénées Atlantiques, et une coulée de boue touche Marlens, en Haute-Savoie.
En fin de nuit et début de matinée du 03/07/10, un troisième MCS se constitue et traverse les régions Centre et Ile-de-France.
Image satellite visible le 03/07/10 à 07h15.
Ce MCS provoque encore une fois des inondations dans la région de Blois suite à d'intenses précipitations, et le réseau SNCF est fortement perturbé à cause de la foudre qui a endommagé les voies, notamment sur le réseau Paris Austerlitz.
Enfin, rapidement :
Une très probable supercellule est observée au nord de la Côte d'Or;
Jusqu'à 80 cm de grêle sont tombés par endroits. Des grêlons jusqu'à 3 cm de diamètre ont été observés.
Des rafales de 90 km/h accompagnent parfois ces orages;
Un MCS très électrique circule en début de nuit dans la Loire, provoquant des inondations.
Je vous invite à lire le compte-rendu fait par Keraunos relatif à ces journées bien agitées, qui regroupe des photos et des coupures de presse :
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